Via Silva ou la contrefaçon écologique

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Via Silva ou la contrefaçon écologique

Via Silva, un paysage préservé

Qu’est-ce que le projet ViaSilva ?

À cheval sur les communes de Cesson-Sévigné, Thorigné et Rennes, ViaSilva est un projet de développement urbain de 600 hectares couvrant le dernier grand site constructible à l’intérieur des rocades de Rennes.

Le projet vise à développer les activités économiques de la métropole (la fameuse « compétitivité et excellence technopolitaine ») et à créer logements et bureaux dans la continuité des schémas urbains des trois communes concernées (en cohérence avec l’arrivée de la future ligne b du métro). Entamée en 2009, le projet doit se terminer en 2040. 400 hectares seront voués à l’urbanisation et environ 200 aux « parcs et espaces verts ».

Une Société publique locale d’aménagement, la « SPLA ViaSilva », a été créée pour diriger le projet. Elle est présidée par Albert Plouhinec, maire de Cesson Sévigné et membre communautaire de Rennes Métropole[1]. Les ZAC « les Pierrins » et « Atalante ViaSilva » (de respectivement 107 et 93 hectares) forment la première phase du projet qui couvre 200 hectares (un tiers de la surface totale du projet) et compte 5950 logements[2]. Aujourd’hui, la construction d’Atalante est très bien entamée. La ZAC des Pierrins a toutefois été divisée en deux parties : Ouest et Est. Seule la partie ouest fait partie de la première phase qui verra le jour en 2025.

Il reste donc beaucoup à faire avant que le projet d’aménagement ne soit terminé. Toutefois la première phase inquiète déjà de nombreux locaux : d’immenses bâtiments en bétons occupent ce qui était autrefois des terrains agricoles, des hectares de terres ont été ratissés et des zones naturelles détruites. Pourtant le projet ViaSilva se targue d’avoir le label « Écocité », cela doit donc forcément être un projet écologique… non ?

Carte de la première phase du projet Via Silva

Une volonté écologique affichée

Les promoteurs le disent eux-mêmes : le respect de la nature et du patrimoine bâti fait partie de leurs priorités[3]. Ils affirment que « le projet urbain s’adapte à ces zones écologiques et naturelles, et non l’inverse ! »[4]. Dans le rapport 2019 de « Territoires », le regroupement d’entreprises publiques locales d’aménagements dont la SPLA Via Silva fait partie, on peut lire « les deux premières opérations d’aménagement du projet ViaSilva (AtalanteViaSilva et Les Pierrins) [font] l’objet de tous les soins pour assurer la préservation et la valorisation des ressources naturelles repérées en amont ou découvertes au fil des études et des visites de site »[5]. Le projet doit « évoque[r] l’idée de la « ville nature » en s’appuyant sur un territoire particulièrement favorable à l’écologie et structuré autour de vastes espaces naturels »[6]. Via Silva bénéficie également du label « Écocité » décerné aux villes qui « mettent en œuvre de grands projets d’aménagement durable pour répondre aux enjeux du changement climatique ». Parmi les critères d’évaluation du projet on trouve notamment une limitation des émissions de gaz à effet de serre ainsi que la préservation et l’amélioration des milieux écologiques[7]…On peut rajouter à cela que plusieurs concertations ont été organisées afin de prendre en compte les envies et craintes des habitants à proximité.

Écocide, béton et artificialisation

De janvier à février, un collectif d’habitants proche de la future ZAC (qui se constituera prochainement en association), a organisé trois visites du chantier ouvertes au public afin de révéler la réalité du projet d’urbanisation ViaSilva. Dès l’arrivée sur place, on a de la peine à voir l’horizon écologique. Il est vrai que les tours de béton gênent un peu la vue : sur 5950 logements prévus, tous sont en béton, pas un seul n’est en écomatériaux. Notons que la construction du béton est responsable de 4 à 8% des émissions mondiales de C02 (2.8 milliards de tonnes/an)  (chaque tonne de béton produite crée une tonne de CO2) et consomme 10% de l’eau douce disponible dans le monde[8]. A partir de chiffres de l’ADEME, le collectif estime que la construction de la ZAC (sur les 650 hectares) libérera au minimum 1.6 million de tonnes de C02 (sans compter le parc, la voirie, la station de métro et les infrastructures)[10]. De plus, ces bâtiments sont pour la plupart en « voile de béton » (coulage de béton armé en un seul bloc) : ce procédé rend la rénovation si compliquée et chère que les bâtiments seront détruits en fin de vie … soit au bout de 50 ans[11] !

Via Silva - Arrivée du métro

Et qu’en est-il des terres sur lesquelles ces tours grises ont été bâties ? La zone est définie comme « Espace à dominante agricole et naturelle » d’après le Schéma de cohérence territorial (SCOT) du Pays de Rennes[12]. Alors que la Métropole se targue d’ambitions sur l’autonomie alimentaire, elle artificialise donc 650 hectares de sa ceinture verte nourricière. Pourtant le SCOT local « soutient l’agriculture périurbaine, en tant qu’acteur économique de premier ordre, fournisseur de biens alimentaires, premier aménageur de l’espace et composante majeure du cadre de vie »[13] : de belles paroles qui ne se traduisent pas en actes. Ce constat est d’autant plus intolérable quand on sait qu’en France la surface agricole utile est passé de 63 à 52% du territoire depuis les années 50[14] et que la Bretagne est la 3ème région ayant le plus fort taux d’artificialisation (11,4% des terres en 2016)[15].

Pour rajouter au désastre, au niveau de la ZAC Atalante, un bois classé et protégé pour ses caractéristiques environnementales (nidification et reproduction d’une faune spécifique, notamment des chauves-souris) a été défriché et son sol dénaturé afin de pouvoir y bâtir. Sur une partie de la ZAC des Pierrins, le sol était considéré comme impropre à la construction en raison à la concentration de métaux lourds qui s’y trouvait (due l’épandage agricole). Ne pouvant construire dessus, la terre a été extraite et remplacée par… les terres végétales de la zone humide à proximité ! 

Du béton à via silva

Des mesures compensatoires absurdes

Comme pour se racheter une bonne conscience, un parc de 50 hectares a été construit à côté de la ZAC. Un cadeau à la biodiversité ? Que nenni. Ce parc fait en vérité partie d’une mesure compensatoire obligatoire en cas d’imperméabilisation de sol et de destruction de la biodiversité. L’eau ne pouvant s’infiltrer à travers le béton, il est nécessaire de créer des zones « tampons » pour « retenir » l’eau et éviter des perturbations des bassins versants. De même, il est obligatoire de recréer des zones naturelles quand on en détruit (il n’y a toutefois pas de mesure compensatoire pour les terres nourricières perdues). Le parc est ainsi composé entre autres de plusieurs bassins de rétentions, de zones humides « recréées » et d’une rivière artificielle qui servira à accueillir l’eau qui ruisselle à partir des zones perméabilisées (eau considérée comme polluée qui ne peut donc être déversée directement dans la rivière naturelle). 

Le problème avec ces mesures compensatoires, c’est qu’elles présument que l’on peut tout détruire à partir du moment où l’on « récupère ailleurs ». On peut donc raser des milieux naturels sous prétexte de créer les conditions favorables à l’émergence d’une biodiversité équivalente ailleurs. Mais la nature ne peut être déplacé d’un point A à un point B, ce qui est détruit reste détruit. La compensation doit normalement être la dernière option pour limiter notre impact. L’Office français de la biodiversité[16]  l’affirme : « Il faut prioriser l’évitement des impacts sur les milieux naturels liés à l’urbanisation, car ces mesures ne compensent pas leur destruction ». Même la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) a récemment critiqué les collectivités pour leur recourt systématique aux mesures compensatoires plutôt qu’à la préservation de la nature[17]. 

Avec 50 hectares de parcs parsemés de bassins de rétentions pour seulement 100 hectares urbanisé (car le parc n’a été pensé que pour compenser la première phase du projet !) on ne peut pas dire que la réduction des impacts soit la priorité des promoteurs ! Pire : la compensation est utilisée comme faire-valoir écologique, alors qu’elle est plutôt l’aveu d’un échec de conception.

Via Silva - Bassin de rétention

Des ambitions en décalage avec la réalité

Que dire donc du projet ViaSilva ? Nous avons ici à faire à un projet parfaitement légal, honoré d’un label écologique, qui semble suivre les recommandations officielles pour ce type de projet (consultation des habitants, objectifs écologiques pensés en amont, préservation des hameaux patrimoniaux…) pourtant, comme nous l’avons montré, les conséquences sur l’environnement sont légions. Faire moins pire ne veut pas dire faire un projet écologique, surtout quand des milieux et des terres naturelles sont sacrifiés. Même quand ils affirment bien faire, les institutions publiques sont en total décalage avec l’urgence climatique que nous vivons. Le projet ViaSilva peut à cet égard très bien être mit en parallèle avec la victoire récente de l’Affaire du siècle !

Si vous souhaitez en savoir plus sur le projet ViaSilva et sur son absurdité (il y a tellement de choses à dire, nous n’avons pas pu tout mettre ici !) contactez le collectif citoyen 650ha qui se mobilise contre ce projet via leur page Facebook.

Continuons à lutter contre ces projets de destruction de la nature ! 

=> Projet d’extension de l’aéroport de Rennes : https://rennes.alternatiba.eu/avion-crise-sanitaire/

=> Projet d’extension du stade Rennais sur la Prévalaye : https://rennes.alternatiba.eu/sauvegarde_prevalaye/ 

[1] Wiki de Rennes Métropole, http://www.wiki-rennes.fr/ViaSilva
[2] Fiche ViaSilva du Réseau national des aménageurs, 2017, p5, http://www.reseaunationalamenageurs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/170612_frex_viasilva.pdf
[3] Site internet de ViaSilva, http://viasilva.fr/viasilva/projet-urbain
[6] Wiki de Rennes Métropole, http://www.wiki-rennes.fr/ViaSilva
[7] Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Explorateur écocités, https://explorateur.ecocites.logement.gouv.fr/
[8] Brian Resnick et Javier Zarracina, « All life on Earth, in One Staggering Charte », Vox du 15 août 2018, vu dans Béton, arme de construction massive du capitalisme, de Anselm Jappe, 2020, p92.
[9] Fiche ViaSilva du Réseau national des aménageurs, 2017, p7, http://www.reseaunationalamenageurs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/170612_frex_viasilva.pdf
[10bis] Publication du bureau d’étude Carbonne 4, 2019, http://www.carbone4.com/publication-faire-sa-part/
[11]  Béton, arme de construction massive du capitalisme, de Anselm Jappe, 2020, p102.
[12]  SCOT approuvé du Pays de Rennes (carte), http://www.paysderennes.fr/-Calendrier-et-demarche-.html
[13] SCOT du Pays de Rennes (Document n°5), http://www.paysderennes.fr/-Les-grandes-etapes-de-la-revision-.html
[14] Actes du colloque en ligne du 20/11/20, Artificialisation des sols, Eau et rivières de Bretagne, p3.
[15] Biodiversité et société en Bretagne : cultivons les interactions ! CESER de Bretagne, 2020, p40.
[16] Actes du colloque en ligne du 20/11/20, Artificialisation des sols, Eau et rivières de Bretagne, Mikaël Le Bihan, inspecteur de l’environnement à l’Office français de la biodiversité, p20.
[17] Évaluation environnementale, Principaux enseignements 2019 pour la Bretagne, DREAL de Bretagne

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